Ces Belges tentés par la désobéissance civile
Sur bien des points, le gouvernement n'a pas respecté les recommandations du GEES, le groupe d'experts chargés d'anticiper et d'organiser la stratégie de sortie du confinement. Au grand désappointement d'une partie de la population, qui appelle à désobéir...
Comment s'y retrouver? Qui croire? Comment faire le tri au milieu de ces injonctions parfois contradictoires? Comment nourrir son espérance dans le grand tourbillon médiatique où la vérité de 20h52 n'est souvent plus celle de 22h17? Comment se construire un 'après' alors que les pièces pourtant promises du mécano se dérobent? Après une conférence de presse catastrophique de la première ministre et de son équipe, vendredi soir et les démentis obscènes du week-end, certains ne veulent plus se plier. Et il faut bien admettre qu'il y a de quoi se poser des questions.
Les scientifiques avaient pourtant plaidé pour une reprise des réunions familiales ou entre amis de 10 personnes maximum. Qu'à cela ne tienne, le gouvernement a finalement décidé que ces retrouvailles ne pourraient pas avoir lieu avant avant le 18 mai.
Les experts privilégiaient un scénario où les commerces devaient rouvrir en deux phases, le 4 mai et le 18 mai. En définitive, on ouvrira la quasi-intégralité des commerces le 11 mai.
Des choix qui font passer l'économique avant l'humain et qui sont très difficilement acceptés par une partie de la population, chauffée par les fuites dans la presse qui annonçaient le contraire de ce qui leur est finalement imposé. Des Belges qui ont perdu confiance, à force d'effets d'annonces (visites dans les maisons de repos, masques) non suivis d'effets.
"La conférence de presse de vendredi, n’a pas convaincu beaucoup de monde. Et le week-end n’a rien arrangé avec des communications multiples et variées qui tranchent singulièrement avec le très large consensus affiché après l’annonce du confinement le 17 mars. Ce jour qui avait fait sortir Sophie Wilmès du lot. Vendredi elle a été ramenée à la nature de sa fonction. Celle de première ministre belge, ce rôle ingrat de porte-parole d’un pays baroque. Rien ne va plus", écrit Bertrand Henne un éditorialiste respecté de la RTBF radio.
Sur les réseaux sociaux, après des semaines d'une relative discipline, la parole se libère et les mécontents se déchaînent. Certains en appelent même à une forme désobéissance civile, estimant que le plan annoncé est purement économique et non plus sanitaire.
"Je décide donc jusqu’à ce qu’on me donne une bonne raison de changer d’avis, que dès le lancement de la phase 1b (le 11 mai), je ne me baserai plus que sur ma raison pour guider mes actes ", lance un mécontent sur Facebook, qui annonce que pour chaque visite qu'il ne fera pas dans un magasin, il s'autorisera une visite à quelqu’un qu'il aime en respectant les mesures de distanciation sociale.
D'autres parlent déjà ouvertement des stratégies qu'ils mettront en place pour contourner les mesures : "Je m’arrangerai (...) pour voir mes parents avant qu’on ne m’autorise à le faire, quitte à se fixer rendez-vous au détour du H&M du coin. Ils n’ont plus vu leur petite-fille depuis deux mois !", explique une maman indignée.
Pour d'autres encore, la peur du gendarme et des sanctions s'est évanouie. "Tant pis pour l’amende de 250 euros, j’irai voir ma grand-mère qui est toute seule. Sinon, elle va se tuer !", annonce, une jeune femme.
"Aucune autorité ne peut nous dire ce qu'on peut ou ne peut pas faire sans le justifier par une menace proportionnée. Et il n'y en a pas", écrit Jean-Pierre, un critique radical, particulièrement remonté.
"La gestion catastrophique du cataclysme a montré l’incapacité de l’État à faire preuve de la moindre efficacité en dehors de la seule fonction qu’il soit à même d’exercer : la répression, la militarisation des individus et des sociétés", écrit Raoul Vaneigem, un philosophe et écrivain belge de 86 ans dans une tribune rédigée par Mediapart.
Des propos qui font écho chez certains, bien décidés à ne plus s'en laisser compter. Ou conter..?
(LpR/Picture : Pixabay)