Faut-il ou non porter un masque à vélo?
La question fait parfois débat, entre donneurs de leçons, adeptes du contrôles social, égoïstes avérés, hypocondriaques de l'angoisse et médecins spécialisés : faut-il porter un masque pour se déplacer à vélo ou pour effectuer une sortie cycliste récréative ou plus sportive?
Cette interrogation taraude de nombreux citoyens, à commencer par les cyclistes eux-mêmes (dont certains, récemment convertis aux joies de la petite reine, se dlacent parfois sur les trottoirs!) qui, sans cadre légal ou réglementaire explicites ne savent plus à quel saint se vouer.
Quelles ont les consignes officielles?
Commençons par rappeler que les consignes officielles indiquent que le port du masque "est recommandé dans l’espace public, a fortiori lorsque le maintien d’une distance physique de sécurité n’est pas possible."
Quel est l'avis des scientifiques ?
"La transmission de Covid-19 se fait par l’intermédiaire de gouttelettes et par contact avec des surfaces contaminées, et non par l’air." L’Académie Royale de Médecine de Belgique recommande le port du masque en tissu, à défaut de masques médicaux réservés aux soignants ou aux malades : "Nous devons voir cela comme un outil de lutte collective contre le Covid-19, et pas comme un outil de protection individuelle. Le but est de freiner la propagation des gouttelettes dans l’espace social.", rappelle-t-elle.
La pratique du vélo, comme la course à pied, génère des projections de microgouttelettes potentiellement contaminantes, comme l’a montré une étude conjointe de la KU Leuven et de l’Université d’Eindhoven.
À ce stade, les experts ne sont pas unanimes et les études approfondies concernant la réelle propagation du virus à vélo font défaut.
Qu'en pensent alors les associations de défense des cyclistes?
"Dans le doute, nous ne pouvons que défendre le principe de précaution", écrit le GRACQ, le Groupe de Recherche et d’Action des Cyclistes Quotidiens, qui représente les usagers cyclistes en Belgique francophone et défend leurs intérêts.
"Soucieux par nature de la sécurité et de la santé des cyclistes, le GRACQ est aussi solidaire des efforts collectifs pour éviter la propagation du virus. C’est pourquoi, faute de consigne officielle sur ce point et face aux controverses sur l’obligation du port du masque dans l’espace public, nous avons cherché à nous forger notre propre opinion. Compte tenu de ces informations et à ce stade de l’épidémie, Le GRACQ recommande le port du masque pour rouler à vélo, surtout en cas de forte densité de cyclistes ou de piétons. La question semble moins prégnante à la campagne ou dans des zones bien dégagées : à chacun de voir et de prendre ses responsabilités. Le vélo doit rester un plaisir."
Étant donné que la distance requise pour la distanciation sociale augmente avec la vitesse, le GRACQ recommande aussi d'adapter sa vitesse dans le contexte sanitaire particulier que nous vivons.
Reste que certains expliquent que le port du masque à vélo serait difficile, voire gênant, pour une pratique sportive ou semi-sportive. Inconfort, difficultés à respirer, sentiment d’oppression, de chaleur, ... autant d' arguments que réfute Christophe Boulant, pharamacien et cycliste amateur, qui a fait l’expérience et qui effectue de nombreuses livraisons à vélo.
"Je précise d’abord, et pour éviter toute confusion, que j’ai fait ce test dans le cadre d’une activité sportive relativement normale, mais pas intense. Ainsi, avec mon masque, j’ai roulé à 26 km/h de moyenne pendant une sortie d’une heure trente, mais avec des côtes dans mon programme, donc en allant plus vite sur du plat. J’avoue que ce n’est pas du tout le même rythme que lors de nos sorties avec mes copains cyclos, mais ce n’est pas non plus une balade tranquille…", raconte-t-il à Ouest France.
"J’ai volontairement gardé le masque tout le temps, il faisait très beau ce jour-là. Et à ma grande surprise, je n’ai pas été incommodé plus que ça, juste en fin de parcours effectivement à cause de l’humidité qui a finalement réussi à s’installer dans le masque. Mais la ventilation se faisait très bien, en tout cas sans l’effet « chewing-gum collé sur sa bouche » que les médecins pouvaient décrire pour expliquer la difficulté à bien respirer. Moi, les inspirations et expirations n’étaient presque pas freinées", précise-t-il.
"L’explication, je pense, est que j’utilise un masque lavable et réutilisable en textile technique (une fibre baptisée 'Evolon'), filtrante à 97 %, mais aussi respirante, qui permet l’évacuation de la chaleur et de l’humidité de façon importante. L’hyperventilation, qui se produit en cas d’activité sportive, est ainsi possible sans gêne. D’autres masques avec des textiles similaires pourraient aussi se porter sans difficulté, selon moi', conclut-il.
Un avis que ne partagent pas tous les professionnels de la santé. Pour certains, le port du masque n’est pas recommandé pour les efforts physiques intenses en plein air, et ce d'abord pour des raisons pratiques. "Quand vous pratiquez un sport, vous avez besoin de respirer, de souffler, de cracher. Avec un masque c’est quasiment impossible", rappelle au Figaro Bruno Burel, médecin français du sport et vice-président du syndicat national des médecins du sport.
Le port d'un masque traditionnel gêne la respiration lors de l'effort. "En moyenne, un individu en effort modéré respire entre 400 à 500 litres d’air par heure, lorsqu'on pratique une activité physique intense, on en respire 5 à 10 fois plus", précise le pneumologue Jean-Philippe Santoni. "Un masque filtre et diminuera donc l'apport d'oxygène", complète Pierre Parneix, médecin de santé publique au CHU de Bordeaux.
Bien sûr, la volonté de porter un masque découle d'une intention louable : protéger les autres. Seulement l'initiative risque d'être contre-productive, souligne le pneumologue Jean-Philippe Santoni : "Comme le masque gêne le sportif pour respirer, il aura tendance à le baisser sous son nez ou à le mettre autour de son cou, il risque ainsi de se contaminer". Car si, entretemps le coureur a touché des surfaces infectées, il peut le contaminer lorsqu'il repositionne le masque sur le visage.
(LpR - Source : Gracq.org - Ouest France- /Picture : Pixabay)