La négociation, un processus assez méconnu des politiciens belges
La négociation fait partie du quotidien de tout un chacun. On la retrouve partout, dans la vie privée, dans la vie professionnelle mais aussi dans la sphère politique et diplomatique.
Voici 605 jours que la Belgique fonctionne, bon gré, mal gré, sans coalition majoritaire. La négociation politique semble plus que jamais dans l'impasse. Pourtant, la négociation joue un rôle essentiel dans la politique. Considérée comme un processus, elle est un outil essentiel pour régler pacifiquement des différends ou des conflits liés à la coexistence de nombreux groupes sociaux distincts et aux intérêts divergents.
Curieusement, les techniques de négociation restent assez méconnues et relativement peu enseignées dans notre pays, explique le CRISP (centre de recherche et d'information socio-politique). Un décalage que confirme Stéphanie Demoulin, professeure à l'UCL et spécialiste en négociations politiques.
"Lors de la crise des 541 jours, le sujet était dans toutes les conversations. Aujourd'hui, si vous allez à un souper, les gens n'en parlent plus. Ils sont dans une forme d'impuissance acquise, dans le 'ça ne sert à rien'. Cela ne les affecte plus, il n'y a plus d'attente. Les politiciens en sont forcément impactés", explique-t-elle dans La Dernière Heure.
"Les négociateurs et présidents de partis présentent des profils différents, des positions opposées. Le souci principal : ils considèrent les négociations sous l'angle de la compétitivité. On est face à un biais de somme nulle : tout ce que je vais gagner, l'autre va le perdre (...) Or, dans une négociation, on peut aussi potentiellement faire de la négociation coopérative, où il n'y a pas forcément deux perdants. Mais les négociateurs ne voient pas ces possibilités de gagner ensemble" ajoute la professeure en sciences psychologiques.
Les difficultés que connaît notre pays ne s'expliquent pas uniquement par les bouleversements à la tête des partis. Selon la professeure, toutes les parties devraient coopérer de manière simultanée. Les études démontrent d'ailleurs que la négociation coopérative amène de meilleurs résultats économiques.
Une autre piste développée par Stéphanie Demoulin est de former les politiciens à la négociation coopérative. "Ils négocient sans avoir jamais suivi de formation pour cela", pointe-t-elle.
Mais alors, que reste-t-il comme solution dans de tels conflits ? La professeure recommande de faire comme dans le judiciaire : recourir à un tiers facilitateur des échanges. Ces médiateurs "(...) auraient pour mission de faire advenir un type de négociation coopérative. Des personnes sont formées à cela. On sait aussi qu'une négo qui se passe en public amènera la personne à être plus dure et ferme, à être encore plus compétitive. Les fuites mettent aussi en péril la confiance entre négociateurs. Il faut favoriser le vrai huis clos" conclut Stéphanie Demoulin.
(Fabienne van Elmbt - Source : La Dernière Heure / Crisp - Picture : Pixabay)