Geler la Transnistrie sans gaz pour faire imploser la Moldavie
Région séparatiste prorusse au cœur de la Moldavie, la Transnistrie a froid, très froid. Depuis le 1er janvier 2025, la Russie a coupé la livraison de gaz à son vassal. Elle pointe la responsabilité des autorités moldaves.
La Moldavie, frontalière de l’Ukraine et de la Roumanie, est un État désormais pris dans les filets d’un chantage au gaz. Une partie orientale de son territoire, frontalière avec l’Ukraine, lui échappe depuis 1992 : la Transnistrie. Cette région séparatiste a fait allégeance à Moscou après avoir autoproclamé son indépendance. La Russie lui assure la protection avec des détachements de militaires de l’Armée rouge (un millier de soldats environ). C’est aussi la Russie qui lui fournissait son énergie, via le gazoduc traversant l’Ukraine. Or, depuis le 1er janvier 2025, la Transnistrie n’est plus livrée en gaz. La Russie a décidé d’interrompre les livraisons de Gazprom via le gazoduc traversant le territoire ukrainien. Mettant les autorités de Tiraspol face au fait accompli.
Dépendance russe
Contrairement à la Gagaouzie – autre zone autonome prorusse de la Moldavie depuis 1994, en référence à son allégeance au Tsar Alexandre 1er de Russie en 1818 – la Transnistrie n’a pas de solutions de livraisons sous le contrôle de Chisinau, la capitale moldave. Dès lors, elle ne pouvait compter que sur le robinet russe lui livrant « gracieusement » du gaz à Tiraspoltransgaz. Mais celui-ci s’est tari depuis la nouvelle année. Les autorités transnistriennes ont pu faire des réserves (13 millions m³), mais juste de quoi tenir à l’économie 3 à 4 semaines. Les habitants se sont alors rabattus sur les équipements de chauffage et de cuisine électriques. Créant une seconde couche à la crise énergétique. Dès lors, des industries ont fermé, le gaz est rationné et des coupures d’électricité quotidiennes sont imposées aux 400.000 habitants de ce territoire de 4163 km².
Dette colossale
La livraison gratuite à Tiraspoltransgaz était en réalité facturée par Gazprom à la Moldavie. Chisinau refusant de payer pour les séparatistes, la dette s’est accumulée. Elle s’élèverait, en fonction du créancier et du débiteur, entre 9 et 700 millions de dollars ! Cette énorme différence d’estimation démontre le nœud gordien issu des relations tendues entre la Russie et la Moldavie. Laquelle peut compter sur la solidarité de son voisin roumain pour pallier la fin des livraisons de gaz russe via l’Ukraine. Un apport gazier qui ne profite pas, par contre, à la Transnistrie. Celle-ci reste fidèle à Moscou, mais demande toutefois à son allié de trouver une solution avec la Moldavie pour éviter une crise humanitaire.
Enjeux politiques
Cette crise ressemble toutefois à une manœuvre de Moscou pour déstabiliser la Moldavie. Ce pays a connu des élections présidentielles sous suspicion d’ingérences russes en octobre et novembre 2024. La candidate pro-européenne Maia Sandu a finalement réussi à s’imposer face à son adversaire prorusse Alexandr Stoianoglo. Dans ce pays divisé sur la question ukrainienne, la prochaine échéance électorale se tiendra d’ici juillet 2025 avec des élections législatives. Et le sort des Transnistriens est prétexte à des accusations de part et d’autre. L’hiver frigorifique pour ces habitants pris en otage sera par contre explosif entre les différents courants politiques moldaves, avec un risque d’embrasement, y compris en Gagaouzie. N’oublions pas les milices prorusses, l’armée de Transnistrie et les troupes russes stationnées dans les territoires sur lesquels Chisinau a perdu la maîtrise. L’avenir de la Moldavie pourrait donc se jouer sur une crise énergétique menée par une Russie cherchant à étendre son influence par tous les moyens, y compris en laissant une population acquise à sa cause crever de froid !
(Olivier Duquesne – Sources : La Libre Belgique, Radio France, 7sur7.be & La Dernière Heure – Picture : © picture alliance / NurPhoto | Andrea Mancini)